La salle de cinéma

« Le sujet qui parle ici doit reconnaître une chose : il aime à sortir d'une salle de cinéma. Se retrouvant dans la rue éclairée et un peu vide (c'est toujours le soir et en semaine qu'il y va) et se dirigeant mollement vers quelque café, il marche silencieusement (il n'aime guère parler tout de suite du film qu'il vient de voir), un peu engourdi, engoncé, frileux, bref ensommeillé : il a sommeil, voilà ce qu'il pense ; son corps est devenu quelque chose de sopitif, de doux, de paisible : mou comme un chat endormi, il se sent quelque peu désarticulé, ou encore (car pour une organisation morale le repos ne peut être que là) : irresponsable. Bref, c'est évident, il sort d'une hypnose. Et de l'hypnose (vieille lanterne psychanalytique que la psychanalyse ne semble plus traiter qu'avec condescendance, voir Ornicar ?, 1, p. 11), ce qu'il perçoit, c'est le plus vieux des pouvoirs : le guérissement. Il pense alors à la musique : n'y a-t-il pas des musiques hypnotiques ? Le castrat Farinelli, dont la messa di voce fut incroyable "tant par la durée que par l'émission" endormit la mélancolie morbide de Philippe V d'Espagne en lui chantant la même romance tous les soirs pendant quatorze ans. »

Roland Barthes, « En sortant du cinéma » [Communications, 23, 1975, « Psychanalyse et cinéma », sous la direction de Raymond Bellour, Thierry Kuntzel et Christian Metz]

Les carabiniers

Jean-Luc Godard, 1963

Faye Dunaway dans Bonnie and Clyde

Arthur Penn, 1967

Anna Karina dans Vivre sa vie

Jean-Luc Godard, 1962

Jake Gyllenhaal dans Jahread, la fin de l'innocence

Sam Mendes, 2006

Le mépris

Jean-Luc Godard, 1963

« Je crée un musée en ligne consacré à la créativité. Le seul prix à payer est votre temps. J’aime encore la salle de cinéma, mais je ne peux ignorer que la salle coexiste désormais avec mon téléphone ou mon écran d’ordinateur, et ces derniers sont devenus le médium de choix de la jeunesse. Nous ne pouvons changer cet état de fait. En revanche, nous avons les moyens d’influencer ce médium. J’ai toujours voulu créer ma chaîne de télévision. Maintenant que la révolution numérique a eu lieu, Netflix étant devenu un acteur majeur, et moi réalisant une série pour Amazon, je me suis mis à réfléchir. Comme créer un univers étranger à tout ce qui existe en streaming, avec une philosophie, en mettant tout cela en ligne gratuitement. »

[…]

« Je ne voulais pas me contenter de balancer des films. Je ne voulais pas non plus d’un site qui serait un magazine. Je tenais à ce que tout cela cohabite. Je vois les films comme un point de départ vers d’autres choses. Mon site ressemble à Alice au pays des merveilles, vous vous perdez dans un musée, en allant d’une pièce à l’autre. L’accessibilité à tout, sans être encadré, ressemble au chaos, et vous n’avez plus accès à rien. D’ailleurs, la plupart des films proposés par les sites de streaming sont mauvais, vous passez plus de temps à vous demander ce que vous n’allez pas regarder. »

Extraits et propos de Nicolas Winding Refn, tirés de l'article du Monde au sujet de son site de streaming... [ByNWR.com et ByNWR.com/fr] (« Nicolas Winding Refn lance une plate-forme gratuite de films réunissant des trésors », Le Monde, S. Blumenfeld, 13 mars 2019)